CHAPITRE X
La cité des Arendais mimbraïques s’élevait, pareille à une montagne, au bord de la rivière étincelante. Le soleil de l’après-midi arrachait des reflets d’or aux immenses tours et aux flèches acérées, ornées de bannières multicolores, qui s’élançaient vers les cieux de l’intérieur des remparts hauts et épais, garnis de créneaux massifs.
— Çà, que l’on admire Vo Mimbre, la reine des cités, proclama Mandorallen avec fierté. Sur ce roc, le raz-de-marée des hordes angaraks s’est écrasé, a reflué et s’est brisé à nouveau. Cette grève a contemplé la consommation de leur ruine. Dans cette forteresse résident en vérité l’âme et la fierté de toute l’Arendie, et sur elle jamais le pouvoir de l’Esprit des Ténèbres n’établira son empire.
— Ce n’est pas la première fois que nous venons ici, Mandorallen, lâcha aigrement sire Loup.
— Ne sois pas grossier, père, protesta tante Pol. Puis elle se tourna vers Mandorallen et, à la grande surprise de Garion, s’adressa à lui dans un idiome qu’il ne lui avait jamais entendu employer.
— Veuille, ô Messire chevalier, nous conduire sur l’heure au palais de Ton roi. Il faut en effet nous entretenir avec lui d’affaires de la plus haute importance. Pour autant que Tu sois le plus puissant chevalier au monde, nous nous remettons sous la protection de Ton bras puissant.
Elle prononça ces paroles de la façon la plus naturelle qui soit, comme si cette formulation archaïque lui venait spontanément.
Le premier instant de surprise passé, Mandorallen se laissa glisser à bas de son cheval dans un grand bruit de ferraille et mit les deux genoux en terre devant elle.
— Gente dame Polgara, commença-t-il d’une voix palpitante de respect, sinon d’adoration, j’accepte la mission dont Tu m’investis, et Te mènerai saine et sauve en présence du roi Korodullin. Que nul n’ose disputer à Ton chevalier le droit de se présenter devant son suzerain, car sur son corps je lui prouverai sa déraison.
Tante Pol lui dédia un sourire encourageant, et il se remit en selle avec force vacarme, pour les guider à un trot alerte, tout son être rayonnant d’une volonté farouche de livrer bataille.
— Qu’est-ce que c’est que ce charabia ? demanda sire Loup.
— Mandorallen avait besoin qu’on lui fasse oublier ses ennuis, répondit-elle. Je le trouve un peu démoralisé depuis quelques jours.
En se rapprochant de la ville, Garion distingua les cicatrices que les lourdes pierres projetées par les catapultes angaraks avaient gravées dans le roc inébranlable, à l’endroit où elles étaient venues frapper les remparts qui dominaient les passants de toute leur hauteur. Les créneaux qui coiffaient ces prodigieuses murailles étaient ébréchés et endommagés par les pointes d’acier d’un déluge de flèches. Ils eurent la révélation de l’incroyable épaisseur du mur d’enceinte en passant sous l’arcade de pierre par laquelle on entrait dans la ville, et que fermait une impressionnante porte bardée de fer. Les sabots de leurs chevaux arrachèrent des échos à la voûte, avant de claquer sur les pavés des ruelles étroites et tortueuses. C’est à peine si les gens devant lesquels ils passaient, des manants pour la plupart, à en juger par les tuniques brunes des hommes et les robes rapiécées des femmes, leur jetaient un regard morne, rigoureusement dépourvu de curiosité, avant de s’écarter précipitamment devant eux.
— Ils ne donnent pas l’impression de beaucoup s’intéresser à nous, commenta tout bas Garion, au profit de Durnik.
— Je ne pense pas que les roturiers et la noblesse se vouent mutuellement un grand intérêt, repartit Durnik. Ils vivent côté à côte, mais ils ne savent plus rien les uns des autres. C’est peut-être ça qui ne va pas en Arendie.
Garion hocha sobrement la tête.
Si les gens du peuple semblaient indifférents, les nobles du palais paraissaient en revanche dévorés de curiosité. La nouvelle de leur arrivée en ville les avait apparemment précédés à la vitesse de l’éclair, car des personnages vêtus de vives couleurs se pressaient aux fenêtres et aux parapets du palais.
Un grand bonhomme aux cheveux et à la barbe noire, en surcot de velours noir sur une cotte de mailles étincelante, les héla depuis le parapet comme ils s’engageaient à grand bruit sur la vaste place qui s’étendait devant le palais.
— Holà, sire chevalier, interpella-t-il Mandorallen. Modère Ton allure, et soulève Ton ventail, que je puisse Te reconnaître.
Mandorallen s’arrêta, sidéré, devant le portail fermé et souleva le ventail de son heaume.
— Quel est ce manque d’usages ? s’indigna-t-il. Je suis, nul ne l’ignore, Mandorallen, baron de Vo Mandor. Tu vois assurément les armoiries qui ornent mon écu.
— N’importe qui peut s’arroger les armes d’autrui, déclara dédaigneusement l’individu, au-dessus d’eux.
Le visage de Mandorallen s’assombrit.
— N’es-Tu pas au fait que nul n’oserait usurper ma semblance ? reprit-il d’un ton menaçant.
— Messire Andorig, intervint un autre chevalier qui se trouvait sur le parapet, à côté de l’homme aux cheveux sombres, celui-ci est bien Messire Mandorallen. Nous nous sommes mesurés dans la lice, lors du grand tournoi de l’an dernier, lequel m’a coûté une épaule brisée et laissé les oreilles vibrantes encore d’un bourdonnement qui ne veut point cesser.
— Ah-ah, rétorqua le sieur Andorig, puisque Tu Te portes garant de lui, Messire Helbergin, j’admets que celui-ci est bien le bâtard de Vo Mandor.
— Il faudra que vous vous occupiez de cet animal un jour ou l’autre, suggéra tranquillement Barak à Mandorallen.
— C’est ce qu’il semble, convint Mandorallen.
— Mais quels sont ceux qui T’accompagnent et demandent à entrer, ô Messire chevalier ? reprit Andorig. Onc ne ferai ouvrir les portes devant des étrangers.
Mandorallen se redressa sur sa selle.
— Oyez tous ! annonça-t-il d’une voix que l’on entendit probablement à l’autre bout de la ville. C’est d’un honneur sans limites que je vous fais la grâce. Que s’ouvrent grandes les portes du palais et que tout un chacun se prépare à rendre hommage. Vous contemplez la sainte face de l’Eternel Belgarath, le Sorcier, et la divine prestance de sa fille, Dame Polgara, tous deux venus à Vo Mimbre pour s’entretenir avec le roi d’Arendie.
— Tu ne trouves pas qu’il en fait un peu trop, là ? chuchota Garion à l’adresse de tante Pol.
— C’est l’usage, chéri, répondit-elle placidement. Un peu d’extravagance est de mise lorsqu’on s’adresse aux Arendais, si l’on souhaite retenir leur attention.
— Et d’où tiens-Tu qu’il s’agit bien là du Seigneur Belgarath ? railla Andorig. Je ne mettrai pas le genou en terre devant un vagabond que nul ne connaît.
— Mettrais-Tu ma parole en doute, Messire chevalier ? rétorqua Mandorallen avec un calme effrayant. Te plairait-il de descendre et d’en faire l’épreuve ? A moins peut-être que Tu ne préfères rester embusqué derrière ton créneau, tel un chien poltron, et lancer Ton aboi vers qui Te surpasse ?
— Ah, ça, c’était rudement bien, fit Barak, admiratif. Mandorallen dédia un sourire crispé au grand bonhomme.
— Je vois ce que c’est, marmonna sire Loup. Nous n’arriverons jamais nulle part comme ça. Si je veux réussir à voir un jour ce satané Korodullin, il va falloir que je prouve quelque chose à ce sceptique.
Il se laissa glisser à terre, l’air pensif, et retira de la queue de son cheval une brindille ramassée en chemin. Puis il se campa au centre de la place, dans sa robe étincelante de blancheur, pour interpeller Andorig.
— Messire chevalier, héla-t-il de sa voix douce, vous êtes un homme circonspect, à ce que je vois. C’est une qualité précieuse, mais qu’il ne faut pas pousser trop loin.
— Je ne suis plus un enfant, vieillard, riposta le chevalier aux cheveux noirs, d’un ton qui frisait l’insulte. Et l’on ne me fera point accroire ce que mes yeux n’auront point vu.
— Il doit être bien triste de ne croire que si peu de choses, observa sire Loup.
Il se pencha alors, et inséra entre deux dalles de granit, à ses pieds, la brindille qu’il tenait entre ses doigts, puis faisant un pas en arrière, il tendit la main au-dessus, et son visage s’éclaira d’un sourire étrangement doux.
— Je vais vous faire une faveur, Messire Andorig, annonça-t-il. Je vais vous rendre la foi. Regardez bien.
Puis il dit tout bas un mot que Garion ne comprit pas, mais qui déclencha un rugissement assourdi et cette force impétueuse qui lui était maintenant familière.
On aurait dit, au départ, qu’il ne se passait rien du tout. Puis les deux dalles de pierre commencèrent à s’incurver vers le haut avec un crissement sous la poussée du rameau qui se développait à vue d’œil, s’élevant vers la main tendue de sire Loup. Des hoquets de surprise se firent entendre aux balcons du palais, comme des branches surgissaient du rameau qui grandissait toujours. Sire Loup haussa un peu la main, et la brindille s’allongea encore, obéissant à son ordre, tandis que ses branches s’étendaient. C’était maintenant un jeune arbuste en pleine croissance. L’une des dalles se fendit avec un claquement sec.
Un silence absolu s’était établi ; tous les regards étaient maintenant braqués sur l’arbre, dans une fascination terrifiée. Sire Loup tendit les deux mains, les paumes tournées vers le ciel. Il prononça encore un mot, et le bout des branches s’enfla et se mit à bourgeonner, puis l’arbre se couvrit de fleurs d’un délicat rose pâle.
— On dirait un pommier, tu ne crois pas, Pol ? suggéra sire Loup, par-dessus son épaule.
— C’est bien ce qu’il semblerait, père, confirma-t-elle.
Il tapota affectueusement l’arbuste et se retourna vers le chevalier, maintenant livide sous ses cheveux noirs, et qui s’était laissé tomber sur les genoux en tremblant.
— Eh bien, Messire Andorig, que croyez-vous, maintenant ?
— Pardonne-moi, je T’en prie, ô glorieux Belgarath, supplia Andorig, d’une voix étranglée.
Sire Loup se redressa de toute sa hauteur et c’est d’un ton rigoureux qu’il s’exprima, les paroles coulant de sa bouche selon le rythme mesuré de l’idiome mimbraïque, avec la même aisance que chez tante Pol, un peu plus tôt.
— Je Te charge, ô Sire chevalier, de T’occuper de cet arbre. Il a poussé ici pour restaurer la foi et la confiance qui T’avaient abandonné. De Ta dette Tu T’acquitteras en lui accordant Tes soins les plus fervents et les plus assidus. En son temps, de fruits il sera porteur, que Tu recueilleras et gracieusement bailleras à quiconque T’en priera. Pour le salut de Ton âme, à personne, aussi humble soit-il, Tu n’en dénieras. De ce que l’arbre prodigue avec libéralité, de même Tu disposeras.
— Très joli, approuva tante Pol. Sire Loup lui fit un clin d’œil.
— Il en sera ainsi que Tu me l’ordonnes, auguste Belgarath, hoqueta Andorig. Sur ma foi, je m’y engage.
Sire Loup retourna vers son cheval.
— Comme ça, au moins, il pourra dire qu’il aura fait une chose utile dans sa vie, marmonna-t-il.
Après cela, il n’y eut plus de discussion. Les grilles du palais s’ouvrirent en grinçant, ils entrèrent tous dans la cour intérieure et mirent pied à terre. Emboîtant le pas à Mandorallen, ils défilèrent devant des nobles à genoux, certains en sanglots, qui tendaient timidement la main au passage de sire Loup pour effleurer l’ourlet de sa robe, puis, une foule sans cesse croissante sur leurs talons, ils traversèrent les immenses salles aux murs tendus de tapisseries jusqu’aux portes de la salle du trône d’Arendie, qui s’écartèrent devant eux.
Ils pénétrèrent dans la vaste salle voûtée sur les murs de laquelle se détachaient des pilastres qui se rejoignaient au plafond, encadrant de hautes et étroites fenêtres. Celles-ci, garnies de vitraux multicolores, diapraient la lumière qui ruisselait sur le sol de marbre poli, pareille à une rivière coulant sur un lit de gemmes. Le double trône d’Arendie se dressait à l’autre bout de la pièce, sur une estrade de pierre couverte de tapis, devant un mur tendu d’épaisses draperies violettes, flanqué des antiques armes de vingt générations de monarques arendais : des lances, des masses, des épées plus grandes qu’aucun homme au monde, qu’entouraient les bannières éraillées de ces rois oubliés.
Korodullin d’Arendie était un jeune homme à l’air maladif, vêtu d’une robe pourpre brodée d’or, et qui portait sa couronne d’or comme si elle était trop lourde pour lui. A côté de lui, sur l’autre trône, était assise sa belle et pâle épouse. Ils braquèrent le même regard quelque peu anxieux sur la foule immense qui accompagnait sire Loup vers les larges marches du trône.
— O mon Roi, commença Mandorallen en se laissant tomber sur un genou, j’amène en Ta présence l’auguste Belgarath, disciple d’Aldur, et pilier de soutènement des royaumes du Ponant depuis le commencement des temps.
— Il sait qui je suis, Mandorallen, coupa sire Loup en faisant un pas en avant, accompagné d’une brève révérence. Salut à vous, Korodullin et Mayaserana, dit-il aux deux souverains. Je regrette de n’avoir pas eu l’occasion de vous rencontrer plus tôt.
— Tout l’honneur est pour nous, noble Belgarath, répondit le jeune roi dont la voix bien timbrée démentait la frêle apparence.
— Notre père nous a souvent parlé de Toi, reprit la reine.
— Nous étions bons amis, lui expliqua sire Loup. Permettez-moi de vous présenter ma fille, Polgara.
— Gente dame, salua le roi avec une inclination respectueuse de la tête. Le monde entier est au fait de Tes pouvoirs, mais les hommes ont oublié de parler de Ta beauté.
— Je sens que nous allons bien nous entendre, répliqua tante Pol avec un sourire chaleureux.
— Notre cœur tremble à la vue du fleuron de la gent féminine, déclara la reine.
Tante Pol regarda la reine d’un air pensif.
— Il faut que je vous parle, Mayaserana, annonça-t-elle gravement. En privé. Et très vite.
La reine eut l’air surpris. Sire Loup leur présenta les membres de sa suite, et chacun s’inclina à son tour devant le jeune roi.
— Bienvenue à tous, Messires et Gentilshommes, déclara Korodullin. Notre indigne cour s’honore infiniment d’une si noble compagnie.
— Le temps presse, Korodullin, reprit sire Loup. La courtoisie du trône d’Arendie fait l’admiration du monde entier, et je ne voudrais pas que vous vous formalisiez, votre charmante épouse et vous-même, si je coupe court à ces usages si raffinés qui sont l’âme et l’ornement de votre cour, mais il faut que je vous fasse part, en privé, de certaines nouvelles d’une extrême urgence.
— Considère-nous, dans ce cas, comme à Ta disposition sur l’heure, repartit le roi en quittant son trône. Veuillez nous excuser, bien chers amis, annonça-t-il aux courtisans assemblés, mais les informations que ce vieil ami de notre royal lignage doit nous communiquer ne peuvent l’être qu’à nos seules oreilles, et avec la plus grande diligence. Permettez-nous, nous vous en prions, de nous retirer un court moment afin de recevoir ses instructions. Nous serons de retour à l’instant.
— Polgara ? appela sire Loup.
— Vas-y, père. Pour l’instant, il faut que j’entretienne Mayaserana d’une affaire de la plus grande importance pour elle.
— Cela ne peut-il attendre ?
— Non, père. Cela ne peut attendre.
Sur ces mots, elle s’approcha de la reine et s’éloigna avec elle bras dessus, bras dessous. Sire Loup la suivit des yeux un instant ; puis il haussa les épaules et Korodullin et lui quittèrent à leur tour la salle du trône. Un silence presque scandalisé suivit leur départ.
— Fort malséant, décréta, d’un ton critique, un vieux courtisan aux cheveux blancs duveteux.
— Hâte amplement justifiée, Messire, lui expliqua Mandorallen. Ainsi que l’a signifié le révéré Belgarath, de l’aboutissement de notre mission dépend la destinée de tous les royaumes du Ponant. Il se pourrait que l’Ennemi Immémorial qui est le nôtre soit à nouveau à nos portes. Les chevaliers mimbraïques n’auront guère, je le crains, à attendre pour relever le flambeau d’une guerre titanesque.
— Bénie soit alors la langue qui apporte cette nouvelle, déclara le vieillard aux cheveux blancs. Je redoutais d’avoir mené mon dernier combat et de mourir dans mon lit, fin gâteux. Je rends grâces au grand Chaldan de la vigueur qui est encore la mienne, et que le passage de près de quatre-vingts années n’ait point amoindri ma vaillance.
Garion se retira un peu à l’écart, sur le côté de la salle, pour débattre d’un problème. Les événements avaient voulu qu’il se retrouve à la cour du roi Korodullin avant d’avoir eu le temps de se préparer au pénible devoir qui l’attendait. Il avait donné sa parole à Lelldorin de porter certains faits à la connaissance du roi, mais il n’avait pas la moindre idée de la façon dont il allait s’y prendre. Les discours ampoulés de la cour arendaise l’intimidaient. On était à Vo Mimbre, c’est-à-dire aux antipodes de la familiarité un peu bourrue de la cour du roi Anheg, au Val d’Alorie, ou de la bonhomie qui était de règle à celle du roi Fulrach de Sendarie, et la perspective de divulguer le projet concocté par un groupe de boutefeux asturiens comme il avait raconté l’histoire du comte de Jarvik, à Cherek, lui paraissait rigoureusement inenvisageable.
La pensée soudaine des circonstances dans lesquelles ces événements s’étaient déroulés lui fit l’effet d’un coup violent. La situation d’alors était tellement similaire à la présente qu’il lui sembla tout d’un coup n’être qu’un pion dans un jeu élaboré. Les mouvements des pièces sur l’échiquier étaient presque identiques ; dans les deux cas, il s’était retrouvé dans une position difficile, obligé de faire échec à un coup fatal, faute de quoi un roi mourrait et un royaume s’effondrerait. Il se sentait étrangement impuissant, comme si sa vie entière était entre les mains de deux joueurs sans visage qui déplaçaient des pièces sur un gigantesque échiquier, répétant inlassablement la même partie. Partie qui, pour ce qu’il en savait, durait depuis le commencement des temps, et dont le prochain mouvement ne faisait aucun doute. Quant au moyen de l’effectuer, les joueurs semblaient se borner à le lui laisser découvrir.
Le roi Korodullin paraissait ébranlé lorsqu’il regagna son trône avec sire Loup, une demi-heure plus tard, et il avait de toute évidence du mal à se contrôler.
— Pardonnez-nous, nobles gentilshommes, s’excusa-t-il, mais nous avons appris des nouvelles troublantes. Pour l’heure, toutefois, nous allons écarter nos préoccupations et fêter dignement cette visite historique. Que l’on appelle les musiciens et que l’on fasse préparer un banquet !
Il y eut un mouvement de foule, près de la porte, et un homme en robe noire fit son entrée, suivi de près par une demi-douzaine de chevaliers mimbraïques en armure de parade, les yeux étrécis par la méfiance, la main sur la garde de l’épée comme s’ils défiaient qui que ce soit de tenter de se mettre en travers du chemin de leur maître. Alors que l’homme se rapprochait, Garion reconnut l’angle inhabituel de ses yeux et ses joues couturées de cicatrices. C’était un Murgo. Barak posa une main ferme sur le bras de Hettar. Le Murgo donnait l’impression de s’être habillé en hâte, et semblait quelque peu essoufflé par la précipitation qu’il avait mise à gagner la salle du trône. Il s’inclina profondément devant Korodullin.
— Je viens, ô Majesté, haleta-t-il de sa voix âpre, d’être avisé que des visiteurs étaient arrivés à la Cour, et je me suis empressé de venir ici les saluer au nom de mon roi, Taur Urgas.
Le visage de Korodullin se ferma.
— Nous ne nous rappelons pas T’avoir fait appeler, Nachak, déclara-t-il.
— Mes craintes se trouvent donc bien justifiées, ô royale Majesté, riposta le Murgo. Ces messagers se seront exprimés au sujet de ma race en termes désobligeants, dans le but de mettre fin à l’amitié bien établie entre les trônes d’Arendie et de Cthol Murgos. Je suis consterné de découvrir que Tu prêtes l’oreille à des ragots sans m’offrir l’occasion d’exercer mon droit de réponse. Est-ce là l’idée que Tu Te fais, ô Majesté auguste, de la justice ?
— Qui est cet homme ? demanda sire Loup à l’adresse de Korodullin.
— Nachak, l’ambassadeur de Cthol Murgos, expliqua le roi. Souhaites-Tu lui être présenté, ô vénérable Belgarath ?
— Ce ne sera pas nécessaire, rétorqua sire Loup avec un morne sourire. Il n’y a pas un Murgo au monde qui ne sache qui je suis. Toutes les mères de Cthol Murgos menacent leurs enfants désobéissants de m’appeler à la rescousse.
— Mais je ne suis plus un enfant, vieillard, railla Nachak. Tu ne me fais pas peur.
— C’est peut-être une erreur fatale, commenta Silk. Le nom du Murgo avait fait à Garion l’effet d’un coup de poing. En regardant le visage couturé de cicatrices de l’homme qui avait si bien abusé Lelldorin et ses amis, il se rendit compte que les joueurs venaient d’avancer leurs pièces, le plaçant à nouveau dans une position décisive, et que l’issue de la partie dépendait cette fois encore entièrement de lui.
— Quels mensonges as-tu racontés au roi, vieillard ? questionna Nachak.
— Aucun, Nachak, objecta sire Loup. Je me suis contenté de lui dire la vérité, ce qui est bien suffisant.
— Je m’insurge, ô royale Majesté. Je proteste aussi énergiquement que possible, et j’en appelle à votre jugement. Le monde entier est au fait de la haine de cet homme envers mon peuple. Comment pouvez-vous lui permettre de vous empoisonner ainsi l’esprit ? Il vous dresse contre nous !
— Tiens, il a oublié ses Tu et ses Toi, cette fois, observa finement Silk.
— Il est trop excité pour ça, expliqua Barak. Les Murgos perdent tous leurs moyens quand ils sont énervés. C’est l’une de leurs moindres imperfections.
— Ah ! ces Aloriens, cracha l’ambassadeur.
— Parfaitement, espèce de Murgo, repartit froidement Barak, sans lâcher le bras de Hettar.
Nachak se tourna vers eux. Il ouvrit de grands yeux comme s’il voyait Hettar pour la première fois, et réprima un mouvement de recul sous le regard haineux de l’Algarois. La demi-douzaine de chevaliers qui formaient son escorte se rapprochèrent aussitôt de lui, dans une attitude défensive.
— Votre Majesté, grinça-t-il, je connais cet homme. C’est un Algarois du nom de Hettar, un meurtrier tristement célèbre. J’exige que vous le fassiez arrêter.
— Tu exiges, Nachak ? releva le roi, une lueur inquiétante dans le regard. Tu oses imposer Tes exigences dans notre propre cour ?
— Que Votre Majesté daigne me pardonner, s’excusa promptement Nachak. La vue de cet individu m’aura tellement perturbé que je me serai oublié.
— Tu serais mieux avisé de ficher le camp, Nachak, recommanda sire Loup. On sait bien qu’il n’est pas prudent de rester tout seul en présence de tant d’Aloriens quand on est un Murgo. Un accident est si vite arrivé...
— Grand-père, commença Garion, d’un ton pressant.
Il aurait été bien incapable de dire exactement pourquoi, mais il savait que le moment était venu de parler. Il ne fallait pas que Nachak quitte la salle du trône. Les joueurs sans visage avaient joué leur dernier coup ; c’était la fin de la partie.
— Grand-père, répéta-t-il, j’ai quelque chose à te dire.
— Ce n’est pas le moment, Garion.
Sire Loup tenait toujours le Murgo sous son regard implacable.
— C’est important, Grand-père, très important. Sire Loup se retourna. Il s’apprêtait sûrement à répondre sèchement, mais quelque chose dut lui apparaître — quelque chose que personne d’autre dans la salle du trône ne pouvait voir sans doute, car il écarquilla les yeux, comme en proie à une surprise aussi vive que passagère.
— Très bien, Garion, acquiesça-t-il d’une voix étrangement calme. Vas-y.
— Il y a des gens qui complotent d’assassiner le roi d’Arendie, et Nachak trempe dans la conjuration.
Mais Garion avait parlé plus fort qu’il ne l’aurait voulu, et à ses paroles, un silence subit s’abattit sur la salle du trône.
Le visage de Nachak blêmit et sa main amorça un mouvement involontaire en direction de la garde de son épée, sur laquelle elle se figea. Garion eut tout à coup une vision pénétrante de la présence de Barak, dressé, telle une montagne, dans son dos, tandis que Hettar, plus sinistre que la mort avec son cuir noir, surgissait à côté de lui. Nachak fit un pas en arrière, esquissa un geste rapide, et ses chevaliers bardés d’acier lui offrirent promptement un rempart de leur corps, en portant la main à leur arme.
— Je ne resterai pas un instant de plus en butte à de pareilles calomnies, décréta le Murgo.
— Nous ne T’avons pas signifié ton congé, Nachak, rétorqua froidement Korodullin. Nous requerrons Ta présence pendant un moment, encore.
Le visage du jeune roi arborait un air sévère. Il soutint un moment le regard du Murgo, puis se tourna vers Garion.
— Nous voudrions en entendre davantage. Parle en Ton âme et conscience, mon garçon, et n’aie crainte. Nul ne saurait exercer de représailles à Ton endroit.
Garion inspira profondément.
— Je suis loin de connaître tous les détails, Votre Majesté, expliqua-t-il en pesant ses mots. Ce que j’en sais, je l’ai découvert par hasard.
— Parle sans T’émouvoir, répéta le roi.
— Pour autant que je sache, Votre Majesté, un groupe d’hommes ont formé le projet de vous tuer, quelque part sur la grand-route, lorsque vous vous rendrez à Vo Astur, l’été prochain.
— Des renégats asturiens, sans le moindre doute, suggéra un courtisan aux cheveux gris.
— Ils se considèrent comme des patriotes, répliqua Garion.
— Bien évidemment, railla le courtisan.
— De telles tentatives ne sont pas rares, déclara le roi. Nous prendrons les mesures nécessaires pour nous en prémunir. Grâces Te soient rendues pour cette information.
— Ce n’est pas tout, Majesté, ajouta Garion. Lors de l’attaque, ils devraient porter des uniformes de légionnaires tolnedrains.
Silk laissa échapper un sifflement aigu.
— Leur grande idée est de faire croire à vos nobles que vous avez été tué par les Tolnedrains, poursuivit Garion. Les conjurés sont persuadés que Mimbre déclarera aussitôt la guerre à l’Empire, et que ses légions entreront en Arendie dès cet instant. Après quoi, quand le pays sera à feu et à sang, ils proclameront que l’Asturie n’est plus assujettie à la couronne d’Arendie, et à partir de là, ils s’affirment sûrs du soutien de l’Asturie tout entière.
— Fort bien, repartit pensivement le roi. Ce plan n’est pas mal conçu, quoique sa subtilité ne ressemble guère à ces égarés d’Asturiens, nos frères. Mais nous ne voyons point encore ce que l’émissaire de Taur Urgas vient faire dans cette félonie.
— C’est lui qui l’a mise au point, Votre Majesté. C’est lui qui en a fourni tous les détails, ainsi que l’or nécessaire à l’achat des uniformes tolnedrains et au ralliement d’autres conjurés.
— Il ment ! éclata Nachak.
— Tu auras l’occasion de faire valoir Ton point de vue, Nachak, lui signifia le roi avant de se retourner vers Garion. Poursuivons sur ce sujet. Comment as-Tu eu connaissance de ce complot ?
— Je ne puis vous le dire, Majesté, s’excusa Garion, d’un ton douloureux. J’ai donné ma parole. L’un des hommes me l’a révélé en gage d’amitié. Il a remis sa vie entre mes mains pour me prouver sa confiance. Je ne puis le trahir.
— Ta loyauté Te fait honneur, jeune Garion, approuva le roi, mais l’accusation que Tu portes contre l’ambassadeur murgo est des plus graves. Peux-Tu, sans violer Ton serment, prouver Tes dires ?
.Garion secoua la tête, impuissant.
— Cette affaire est des plus graves, votre Majesté, déclara Nachak. Je suis l’émissaire personnel de Taur Urgas. Ce sale morveux est l’instrument de Belgarath, et son histoire aberrante, que rien, au surplus, ne vient étayer, constitue de toute évidence une tentative de discrédit à mon endroit, doublée d’un effort de déstabilisation des relations entre les trônes d’Arendie et de Cthol Murgos. Je ne puis laisser passer cette accusation. Le garçon doit être contraint et forcé d’identifier ces comploteurs imaginaires ou d’admettre qu’il ment.
— Il a prêté serment, Nachak, rétorqua le roi.
— C’est lui qui le dit, Votre Majesté, accusa Nachak avec un rictus railleur. Soumettons-le à la question. Une heure de chevalet, et il sera peut-être plus disert.
— Nous n’accordons guère de foi aux confessions obtenues par la torture, confia Korodullin.
— S’il plaît à Votre Majesté, intervint Mandorallen, il se pourrait que je sois en mesure de lui permettre de résoudre ce problème.
Garion jeta sur le chevalier un regard meurtri. Mandorallen connaissait Lelldorin ; la vérité était à sa portée. En outre, Mandorallen étant un Mimbraïque, Korodullin était son roi. Non seulement rien ne l’obligeait à garder le silence, mais encore son devoir le contraignait pratiquement à parler.
— O Messire Mandorallen, reprit gravement le roi, Toi dont la dévotion au devoir et à la vérité est légendaire, se pourrait-il que Tu puisses nous aider à identifier ces comploteurs ?
Tout le problème était là.
— Point du tout, ô noble Sire, démentit formellement Mandorallen. Mais je connais Garion et je sais que c’est un garçon honnête et sincère. Je me porte garant de lui.
— Piètre corroboration, rétorqua Nachak. Je déclare quant à moi qu’il ment ; où cela nous mène-t-il ?
— Ce garçon est mon compagnon, déclara Mandorallen. Je ne serai pas l’instrument d’un parjure ; son honneur m’est aussi précieux que le mien propre. Mais selon nos lois, ce que l’on ne peut prouver, on peut le remettre au jugement des armes. Je me déclare le champion de ce garçon, et j’atteste devant cette assemblée que le dénommé Nachak ici présent n’est qu’un scélérat qui s’est associé à divers individus pour assassiner mon roi. Relève mon défi, Murgo, ordonna froidement Mandorallen, en retirant son gantelet d’acier et en le jetant sur le sol de pierre luisante où il s’écrasa avec un vacarme retentissant. Ou bien laisse l’un de ces chevaliers sans foi ni loi le ramasser pour Toi. Peu m’importe de prouver Ta vilenie sur Ton corps ou celui de Ton champion.
Nachak commença par regarder le gantelet de mailles d’acier, puis le grand chevalier qui l’accusait, fermement planté devant lui. Il passa nerveusement la pointe de sa langue sur ses lèvres et jeta un coup d’œil circulaire sur la salle du trône. En dehors de Mandorallen, aucun des nobles mimbraïques présents n’était en armes. Le Murgo plissa les yeux, comme à bout.
— Tuez-le ! commanda-t-il aux six hommes en armure qui l’entouraient, en découvrant les dents dans un rictus hargneux.
Les chevaliers se regardèrent d’un air dubitatif, pour le moins indécis sur la conduite à tenir.
— Tuez-le ! répéta Nachak, d’un ton impérieux. Un millier de pièces d’or à celui qui lui ôtera la vie !
A ces mots, les six chevaliers retrouvèrent leur impassibilité, tirèrent leur épée comme un seul homme et se déployèrent, le bouclier levé, pour encercler Mandorallen. Nobles et dames de haut parage élargirent le cercle autour d’eux en poussant des hoquets étouffés et des cris alarmés.
— Quelle est cette traîtrise ? s’exclama Mandorallen. Etes-vous épris de ce Murgo et de son or au point de tirer les armes en présence du roi, en violation de toutes les lois ? Rengainez vos épées.
Mais ils ignorèrent ses paroles et continuèrent d’avancer sur lui, menaçants.
— Défends-Toi, ô Messire Mandorallen, le pressa Korodullin, en se levant à moitié de son trône. Je Te libère des contraintes de la loi.
Mais Barak n’était pas resté inactif. Remarquant que Mandorallen n’avait pas emporté son bouclier dans la salle du trône, l’homme à la barbe rouge décrocha une énorme épée à deux mains de la panoplie d’armes et de bannières qui ornait l’un des côtés du trône.
— Mandorallen ! hurla-t-il.
Dans un grand geste, il fit glisser l’immense lame en direction du chevalier, sur les dalles de pierre du sol inégal. Mandorallen tendit l’un de ses pieds chaussés de mailles d’acier, arrêta l’arme dans sa course et se baissa pour la ramasser.
Les chevaliers qui s’approchaient de lui eurent tout à coup l’air un peu moins sûrs d’eux en voyant Mandorallen soulever la lame de six pieds avec ses deux mains.
Avec un formidable sourire, Barak tira, d’un côté, son épée, de l’autre, une hache d’armes. Sabre au clair, la garde basse, Hettar faisait silencieusement le tour des chevaliers, beaucoup moins fringants tout à coup. Instinctivement, Garion porta la main à son épée, mais les doigts de sire Loup se refermèrent sur son poignet.
— Ne te mêle pas de ça, toi, siffla le vieil homme, en l’écartant du combat qui se préparait.
Mandorallen assena son premier coup sur un bouclier promptement levé, pulvérisant le bras d’un chevalier en armure et surcot écarlate, le précipitant à dix pieds de là, tel un vulgaire tas de ferraille. Barak para avec sa hache le coup d’épée que tentait de lui porter un chevalier trapu, avant d’abattre sa propre lame sur le bouclier levé de l’homme. Hettar se joua avec dextérité d’un chevalier en armure émaillée de vert, esquivant avec une aisance dérisoire les coups maladroits de son adversaire et dardant la pointe de son sabre devant son heaume d’acier.
La salle du trône de Korodullin retentissait du tintement des épées, tandis que les lames s’entrechoquaient dans des gerbes d’étincelles. Mandorallen abattit un second adversaire d’un coup formidable. Il plongea son épée à deux mains sous le bouclier du chevalier qui poussa un cri terrible, lorsque, traversant son armure, la vaste lame s’enfonça dans son flanc. Puis l’homme s’écroula, un flot vermeil jaillissant d’une déchirure béante à mi-corps.
D’un preste revers de sa hache d’armes, Barak ouvrit le côté du heaume d’un chevalier corpulent, qui fit un tour sur lui-même avant de s’écrouler sur le sol. Hettar feinta rapidement, puis il introduisit la pointe de son sabre au défaut du ventail du chevalier en armure verte, qui se raidit comme le sabre lui pénétrait dans le cerveau.
Tandis que la mêlée faisait rage sur le sol luisant, les nobles et leurs dames fuyaient d’un côté puis de l’autre pour éviter d’être renversés par les combattants. Nachak assista avec consternation à la déroute de ses chevaliers qui s’écroulaient les uns après les autres, puis, tout d’un coup, il fit volte-face et s’enfuit.
— Il s’en va ! hurla Garion.
Mais Hettar était déjà sur ses talons, et son visage n’était pas beau à voir. Courtisans et belles dames se volatilisaient en poussant des cris stridents devant l’Algarois qui s’élançait pour couper la route à Nachak en brandissant son sabre dégoulinant de sang. Le Murgo avait presque réussi à atteindre l’autre bout de la salle, mais, traversant la foule à grandes enjambées, Hettar fut devant la porte avant lui. L’ambassadeur dégaina son épée avec un cri de désespoir, et, curieusement, Garion éprouva un instant de pitié pour lui.
Au moment où le Murgo s’apprêtait à lever son épée, Hettar le frappa une première fois au-dessus de chaque épaule, faisant claquer la lame de son sabre comme si c’était un fouet. Nachak tenta désespérément de soulever ses bras morts pour se protéger la tête, mais Hettar le prit au dépourvu. Abaissant sa lame, l’Algarois au visage implacable lui traversa le corps de part en part, délibérément, avec une grâce fluide très particulière. Garion vit la pointe du sabre ressortir entre les épaules du Murgo selon un angle qui lui parut étrange. L’ambassadeur poussa un hoquet, lâcha son épée et se cramponna des deux mains au poignet de Hettar, mais, tordant inexorablement la main, l’homme au profil d’oiseau de proie fit tourner le tranchant de sa lame incurvée dans le corps du Murgo. Nachak émit une sorte de grognement, il fut secoué par un horrible frisson, puis ses deux mains glissèrent sur le poignet de son bourreau, ses jambes se dérobèrent sous son corps et il tomba à la renverse dans un soupir gargouillant, dégageant mollement la lame du sabre.